De retour du Viêt-Nam, cela me fait plaisir de partager avec vous quelques photos de mon voyage. Je suis parti de Hanoï pour rejoindre la région, frontalière avec la Chine, où l’on trouve de vieux théiers à l’état sauvage dont on va récolter les feuilles pour en faire du thé sombre (ce que l’on nomme, en Chine, pu erh). Après six heures de route jusqu’à Hà Giang, suivies d’une nuit sur place, il est temps de s’équiper de bonnes chaussures de randonnée pour une marche de trois heures dans la montagne, à travers les rizières, d’abord, puis jusqu’aux fameux théiers, au milieu des nuages… (à suivre).
ARCHIVE DE 2016
Sauvage et beau
Je ne me lasse pas de la beauté des paysages du Malawi. Chaque semaine, lorsque je prépare le billet pour mon blog, je passe en revue les différentes photos que j’aime et que je n’ai pas encore utilisées ici. Et à chaque fois, je reste devant celles du Malawi, un long moment. Ces paysages sont quand même incroyables. Certes, ma photo n’est pas excellente, on ne reconnaît pas bien les théiers qui ne sont pas tout à fait nets, mais cette lumière extraordinaire, toutes ces nuances de verts et de jaunes, ce beau ciel bleu ourlé de nuages blancs, ces hauts-plateaux, ce monde sauvage à perte de vue, ces lignes douces et ces autres lignes plus anguleuses, mais dans quel monde merveilleux vivons-nous ! Si nous voulons bien nous donner la peine d’ouvrir les yeux, bien sûr. Et si nous voulons bien ne pas nous acharner à le détruire.
Un thé dans toute sa simplicité
Il existe de nombreuses sortes de thé qui répondent chacune à un procédé de fabrication bien précis, parfois à un cultivar spécifique ou encore à un terroir défini. Si la plupart de ces thés sont élaborés dans des fermes de taille modeste, ils peuvent aussi être fabriqués dans de grandes manufactures avec des capacités de production supérieures, voire dans des usines, dans le cas des thés industriels (la différence essentielle entre la manufacture et l’usine étant le rôle de l’artisanat, à savoir du travail fait main, comme l’indique le mot manufacture ; cela signifie que le geste, le contrôle au toucher, à la vue, à l’odeur de la qualité des feuilles, va intervenir à chaque étape de l’élaboration du thé).
Mais la façon la plus artisanale de fabriquer un thé est celle pratiquée ici, dans la plus grande simplicité, chez lui, par un homme de l’ethnie Dao qui a eu la gentillesse de m’héberger : on jette des feuilles de thé fraîches sur les parois du wok chauffé à feu vif et on va les remuer sans arrêt de façon à les dessiquer, les façonner puis les sécher et cela sans jamais qu’elles ne brûlent. Une manière de faire rudimentaire que pratiquent souvent les populations qui vivent au milieu des théiers. A la tasse, cela donne quelque chose d’assez rude, puissant, plutôt astringent et qui a gardé un peu de l’odeur du feu. Un thé qui vous réveille et qui porte en lui la simplicité et la générosité de cette hospitalité paysanne qui vous rappelle à la vraie vie.
Un travail très rigoureux
Quel que soit son pays d’origine, un grand cru de thé représente toujours un travail très rigoureux. Cela commence lors de la cueillette qui doit être particulièrement soignée et cela dure bien sûr tout au long de chacune des étapes de la manufacture. Ici, dans l’Anhui (Chine), la récolte d’un Huang Shan Mao Feng ou « pointes duveteuses des Montagnes Jaunes ». On peut admirer à la fois la délicatesse de la récolte ainsi que le soin mis dans le transport des feuilles, à l’abri du soleil mais tout de même à l’air libre afin qu’elles respirent. La petite taille du panier répond au besoin que ces précieuses pousses ne souffrent d’aucune compression.
L’altitude, une alliée de choix
Au Kenya, certaines plantations se situent à près de 2.000 mètres. A cette altitude, les insectes ou bien les champignons susceptibles de s’attaquer au théier sont particulièrement rares. Cela est dû aux basses températures. Il est donc plus facile, dans ces conditions, de produire un thé de façon organique. Reste alors, pour être certifié “Bio” (en plus du fait de ne pas utiliser les pesticides ou fongicides interdits), à ce que la terre soit enrichie de façon naturelle, avec du compost, par exemple.
« Quelles sont les nouvelles ? »
Il y a une chose qu’aucun planteur ne m’empêchera jamais de faire, c’est de marcher, partir en ballade pour une ou deux heures, au moins, chaque jour. J’adore ça. Seul ou accompagné, peu m’importe, j’aime marcher, j’aime aller à la rencontre des gens, j’aime observer la lumière, le temps qui change, la beauté d’une floraison, la couleur d’un torchis, j’aime m’asseoir sur le pas d’une maison, échanger des sourires avec des gens dont je ne sais rien mais avec lesquels je suis lié, parce que nous vivons sur la même planète, bien sûr, et parce que le thé fait sans doute partie de leur vie à eux aussi. On apprend beaucoup en marchant : sur la façon dont vivent les gens, sur les méthodes de culture du thé, sur le climat, sur la géographie, et puis il y a ces couleurs, ces odeurs. Il y a des bêtes étranges, bien sûr, des serpents, parfois, dont on ignore tout, des insectes invraisemblables, des trucs qui font des bonds. Mais je suis bien. Je m’assoies sur un coin de rocher quand j’ai envie d’admirer quelque chose, quand c’est beau, tout simplement, et parce qu’il fait bon prendre son temps, se demander à quoi l’on sert sur notre petite planète, quel est le sens de la vie, le thé c’est la lenteur. Et puis le thé vous apprend le calme, il vous apprend à respirer, au propre comme au figuré, il vous apprend à arrêter de vous agiter sans plus savoir pourquoi vous courrez de droite à gauche, du matin jusqu’au soir.
Ici, à trois heures au nord de Kigali, sur les petits sentiers perdus dans la montagne, « bonjour » se dit d’une façon très jolie. Lorsque vous croisez quelqu’un il vous lance en levant ses bras, comme on ferait avec un ami que l’on aurait pas vu depuis longtemps, un joyeux « Amakuru ! ». Et son bonjour signifie, « Quelles sont les nouvelles ? ».
Des brisures trop exposées
Il arrive que l’on me fasse déguster de très bons thés avant de m’en préparer d’autres qui ne me disent rien qui vaille. Des thés brisés, par exemple. Je les goûte sans conviction et m’en détourne au plus vite. Si la lumière est bonne et si l’endroit me plaît, je m’amuse alors avec mon appareil-photo tandis que mon hôte termine sa dégustation. Je joue avec les réglages de mon EOS5D comme une façon d’ironiser sur la qualité des thés qui sont devant moi. Je les déforme par jeu, ces thés que je n’aime pas, je surexpose, comme ici, je tords la réalité, je cadre de travers, je me fiche bien de ces liqueurs trop noires, de ces brisures qui développent une astringence carabinée et sont dénuées de toute subtilité. Je préfère essayer de faire quelque chose de joli avec mon joujou sous l’œil intrigué de mon hôte qui aimerait bien que je goûte plus et photographie moins.
L’irrigation et le drainage de l’eau sur un terrain plat
Le théier supporte mal l’eau qui stagne à ses pieds. Lorsque l’on cultive le théier sur un terrain plat, comme ici au Rwanda, il est important de creuser des drains afin que l’eau de pluie s’écoule et ne reste pas au niveau des racines du camelia. Ce qui est ingénieux ici c’est que ces drains ont été conçus pour pouvoir permettre non seulement le drainage mais également, en cas de sécheresse, l’irrigation des cultures. Encore faut-il se trouver à proximité d’un barrage ou bien d’une rivière, comme ici, dont on peut divertir le cours pour faire monter l’eau dans ces canaux, pour que le système fonctionne. Les grenouilles apprécient, à en croire leur raffut, et tout un écosystème vit en ce milieu humide, et jusqu’aux martins-pêcheurs dont j’ai pu surprendre à plusieurs reprises le vol coloré.
Le Rwanda : des paysages magnifiques, des plantations atypiques
Cette année, j’ai eu une chance incroyable de visiter des plantations de thé aussi belles que celles dans lesquelles je me suis rendu au Kenya ou bien au Rwanda. Des champs de thé, j’en ai vu beaucoup dans ma vie. Et pourtant, je tombe encore sur des paysages d’une beauté merveilleuse et qui ne ressemblent à aucun autre. Par exemple, ici, au Rwanda, le thé pousse non pas sur des pentes, comme souvent, mais en fond de vallée. Le fond de vallée en question se situe à 2000 mètres d’altitude mais, il n’empêche, c’est plat. Et il fait encore assez chaud pour qu’une végétation dense entoure les théiers. Au pays des Mille Collines, on tombe sur des paysages splendides mais aussi sur des thés remarquables et méconnus. Si vous voulez déguster le thé qui pousse ici et être en harmonie avec ce beau paysage, il s’appelle « Rwanda Silver Mist », un grand cru puissant aux notes assez fruitées, épicées et miellées. Une belle découverte, une porte ouverte sur un coin de notre planète d’une grande beauté.
Exigence et minutie
Produire un thé de qualité demande une main d’œuvre très importante, sauf au Japon où ont été imaginées des machines d’un incroyable niveau de sophistication.
Les feuilles de thé sont triées une à une, comme ici, en Chine, et cela se pratique ainsi pour tout thé digne de ce nom, c’est-à-dire un thé en feuille entière et de bonne qualité. Ce tri feuille à feuille permet d’éliminer les petits bouts de tige ainsi que les feuilles un peu grossières. Dans le même temps, on écarte aussi parfois un insecte car les plantations de thé sont des lieux vivants et la présence de mauvaises herbes et d’insectes est parfois le signe de bonnes pratiques agricoles.